Premier pas : combattre l'électoralisme
Depuis les dernières élections législatives, nous assistons, une fois encore, à ce que les anarchistes dénoncent depuis des lustres : l’illusion d’une démocratie représentative, ou plutôt, la non-démocratie. Ces élections ont révélé des contradictions profondes et systématiques qui mettent à nu les failles d’un système prétendument basé sur le pouvoir du peuple. Mais regardons les chiffres de plus près.
Les résultats parlent d’eux-mêmes :
- – Abstentions : 14 460 749 (33,37 %)
- – RN (Rassemblement National) : 8 744 080 (20,18 %)
- – UG (Union de la gauche) : 7 004 725 (16,17 %)
- – ENS (Ensemble ! – Majorité présidentielle) : 6 313 808 (14,57 %)
Premier fait indéniable : le nombre d’abstentionnistes dépasse largement celui de tout autre groupe. Plus d’un tiers des électeurs ont refusé de se rendre aux urnes. Pourtant, personne ne parle en leur nom. Où est la voix de ceux qui, par choix ou par désillusion, ont décidé de ne pas participer à cette mascarade ?
Nous assistons à un silence assourdissant à leur égard, comme si leur refus de légitimer le système n’avait aucune valeur, aucune signification politique.
Ensuite, il est frappant de constater que les groupes ayant le plus d’électeurs ne sont pas nécessairement ceux qui sont le mieux représentés à l’Assemblée.
Le RN, avec plus de 8 millions de voix, n’obtient que 88 sièges. Pendant ce temps, l’Union de la Gauche, avec un nombre de voix inférieur, obtient 146 sièges.
Encore une fois, la soi-disant démocratie représentative montre son vrai visage : une manipulation des voix par le biais d’un système électoral qui favorise les partis dominants tout en marginalisant les voix alternatives.
Ce déséquilibre est systémique et repose sur un mécanisme qui déforme la volonté populaire.
Ces chiffres nous amènent à poser une question fondamentale :
Est-il légitime qu’une minorité de 20 %, 16 % ou même 15 % de la population impose ses choix et ses idées à une majorité silencieuse ou marginalisée ?
Peut-on réellement parler de démocratie quand une telle disproportion de pouvoir existe entre les votes exprimés et leur traduction en pouvoir politique ?
Ce système, censé garantir l’expression du peuple, fonctionne en réalité comme une machine à reproduire des inégalités et à maintenir les élites en place.
Il ne s’agit pas ici de défendre les idées d’un parti ou d’un autre, mais de comprendre que le mécanisme même de la démocratie représentative est biaisé.
Il permet à une poignée de privilégiés de décider ce qui est bon ou mauvais pour la société entière, en dépit des diversités d’opinion et des besoins réels de la population.
Le mépris des vaincus est institutionnalisé. Ceux qui perdent, non seulement sont écartés du pouvoir, mais sont également privés du droit de se faire entendre.
Prenons un exemple controversé :
Le Rassemblement National. Que l’on soit d’accord ou non avec les idées de ce parti, il représente tout de même 20 % du corps électoral, soit plus de 8 millions de personnes.
Ignorer leur voix, les marginaliser au point de vouloir réduire leur capacité d’expression publique, ne résoudra pas le problème.
Cela ne fera que renforcer leur sentiment d’injustice, leur rancœur, et, à terme, la radicalisation de leurs positions.
Doit-on réduire au silence ces 8 millions d’électeurs au prétexte qu’ils ont choisi un parti avec lequel nous ne sommes pas d’accord ?
La société doit-elle adopter des méthodes de rééducation politique pour transformer ces électeurs ?
Faut-il aller jusqu’à leur imposer des signes distinctifs, ou les forcer à se repentir ?
Loin de nous l’idée de cautionner l’idéologie autoritaire et réactionnaire de l’extrême droite.
Cependant, en tant qu’anarchistes, nous croyons en la liberté d’expression pour tous, y compris pour ceux dont les opinions nous semblent odieuses.
Car si nous commençons à sélectionner qui a le droit de s’exprimer en fonction de nos propres convictions, nous entrons dans un terrain dangereux où seule la pensée conforme a sa place.
L’anarchie n’est pas seulement une question de rejet de l’autorité et de l’État, elle est aussi une lutte pour la liberté de tous, même pour ceux dont les idées nous semblent inacceptables.
La véritable lutte contre les idéologies autoritaires et liberticides ne passe pas par la répression, mais par la confrontation des idées, le débat, et l’éducation.
Fermer la porte au dialogue, c’est ouvrir celle de la violence. La lutte des classes dont nous parlons est avant tout une lutte pour l’émancipation, pour la liberté collective, mais aussi individuelle.
Cependant, ne nous méprenons pas : lutter contre les idées réactionnaires ne signifie pas cautionner les mécanismes oppressifs du pouvoir en place.
Ceux qui, aujourd’hui, veulent marginaliser les électeurs du RN seront demain les premiers à réduire au silence les contestataires de gauche, les militants écologistes, les anarchistes.
La machine répressive est aveugle, et une fois mise en marche, elle ne s’arrête plus.
Nous devons refuser toute forme de contrôle autoritaire, qu’il vienne de l’extrême droite, de l’État, ou de tout autre pouvoir centralisé.
La lutte que nous menons ne vise pas seulement à remplacer un oppresseur par un autre, mais à abolir toute forme d’oppression. Il s’agit de construire une société fondée sur la solidarité, l’entraide, et la liberté véritable.
Cette liberté ne peut exister que si elle est pour tous, même pour ceux qui ne pensent pas comme nous.
Ainsi, la lutte des classes ne doit jamais être confondue avec la haine de l’autre.
C’est une lutte contre les structures de domination, contre le capitalisme, contre le patriarcat, contre toutes les formes d’autorité imposées.
Combattre les fachos OUI, mais pas avec les méthodes du fascisme
Notre combat contre le fascisme est clair et sans compromis.
Nous nous opposons fermement aux idées et pratiques racistes, autoritaires, homophobes, et oppressives.
Mais dans cette lutte, nous devons rester vigilants et ne pas tomber dans les pièges des méthodes que nous combattons.
La censure, l’humiliation publique, la mise à l’index, et la violence ne sont pas des outils de libération, mais des armes d’oppression, les mêmes que celles que les fascistes eux-mêmes emploient pour étouffer la dissidence et imposer leur idéologie.
La réponse à l’autoritarisme ne peut être un autre autoritarisme.
L’une des grandes forces de l’anarchisme est son engagement pour la liberté
Une liberté qui ne se limite pas à la simple absence de chaînes physiques, mais qui s’étend à l’autonomie de pensée, d’expression, et d’action.
Réprimer les idées fascistes par la censure ou l’exclusion n’est pas une solution durable.
Cela peut offrir une satisfaction immédiate à ceux qui croient que réduire les fascistes au silence résout le problème, mais en réalité, cela ne fait que masquer les symptômes sans traiter la racine du mal.
Le fascisme prospère dans les coins sombres où les frustrations grandissent en silence.
La censure, en fermant ces espaces de dialogue, risque de renforcer la radicalisation des idées plutôt que de les affaiblir.
Cela ne signifie pas que nous devons accepter ou tolérer le fascisme.
bien au contraire.
Nous devons le combattre, mais nos moyens doivent être à la hauteur de notre vision émancipatrice.
Nous devons dénoncer, déconstruire, et exposer les idées fascistes pour ce qu’elles sont : des outils de division et de domination.
La réponse à l’autoritarisme ne peut être un autre autoritarisme.
La lutte contre le fascisme doit se faire par l’éducation, par le débat, par la création d’espaces de solidarité où les idées de liberté et d’égalité peuvent s’épanouir.
Combattre les fachos OUI !!! mais où qu’ils soient
Il est important de reconnaître que les actes racistes, homophobes, violents ou paternalistes ne sont pas le monopole de l’extrême droite.
Bien que le fascisme soit souvent associé à cette frange politique, les comportements oppressifs traversent tous les courants de pensée, y compris ceux qui prétendent défendre des idéaux progressistes ou centristes.
Les pratiques racistes, paternalistes et oppressives peuvent se retrouver dans les institutions, dans les médias traditionnels, dans le monde du travail, voire au sein des partis dits « modérés ».
Les structures de pouvoir sont ancrées dans tous les systèmes hiérarchiques, et la domination ne connaît pas de frontières idéologiques.
Ainsi, notre lutte doit être cohérente et sans compromis.
Combattre les fachos ne signifie pas se limiter à combattre une seule catégorie politique, mais à lutter contre toutes les formes d’oppression, où qu’elles se manifestent.
Nous devons être aussi vigilants face aux comportements liberticides, paternalistes ou oppressifs qui émergent sous couvert de progressisme.
Le sexisme, l’homophobie, le racisme systémique existent bien au-delà des discours de l’extrême droite, et les dénoncer ne doit jamais être perçu comme un acte partisan, mais comme une lutte pour la justice sociale.
En tant qu’anarchistes, notre objectif n’est pas simplement de remplacer une forme de pouvoir par une autre, mais de détruire toutes les formes de domination.
Cela signifie que notre combat contre le fascisme doit être mené de manière éthique, et que nous devons rester fermes dans nos principes.
Nous ne pouvons pas utiliser les méthodes répressives de ceux que nous combattons sans trahir l’essence de notre propre lutte.
La révolution que nous voulons construire repose sur la solidarité, l’entraide, et la liberté.
L’anarchie n’est pas un simple renversement de pouvoir, c’est une réinvention totale des relations humaines, sans hiérarchie, sans coercition, sans oppression.
En somme, nous devons rester fidèles à nos idéaux tout en menant cette lutte. Combattre les fachos, oui, mais avec la lumière de la liberté et de la justice, pas avec les ombres de la censure et de la répression.